La maîtrise technique du film se soumet entièrement à son récit, tout en servant idéalement une description de la situation tragique de certains réfugiés dans une zone de transit à Lesbos (le camp Moria) qui fait office d’un véritable purgatoire. Des moments magistraux ponctuent le film : un plan de mer immersif en prologue, des témoignages de réfugiés au passif douloureux difficilement imaginable ou de pêcheurs grecs les ayant secourus, des amoncellements de gilets de sauvetage (rappelant les camps de la mort nazis) et d’épaves, des épitaphes (souvent anonymes) dans un cimetière… Des passages à la moralité pouvant être discutable de certains intervenants témoignent aussi de la complexité géopolitique de notre monde (« Garde-les tes beaux principes ! Moi, j’en ai pas les moyens ! », dirait un personnage du Mouchard de John Ford) : un réfugié dénonce aux autorités d’autres réfugiés pour les sauver d’une mort certaine, une vieille dame aide les réfugiés sur son île dans l’espoir de faire gagner un Prix Nobel à la Grèce et contribuer à faire sortir son pays d’une crise trop longue… Ces moments en disent très long sur la « faillite » de notre monde technocratique et de sa cruauté bornée. Pourtant, le véritable enjeu du film repose sur son protagoniste, Gulfam, un « vétéran » des douleurs du monde et aux accents hugoliens, que le réalisateur tend à mythifier afin de mieux nous sensibiliser paradoxalement à une réalité qu’on ne veut peut-être plus voir (pour éviter de s’y confronter)… Quand le documentaire utilise un procédé de fiction comme le dernier recours à notre empathie, notre ancrage au réel vacille… (Derek Woolfenden)
AZADI
Sam Peeters
Belgique, France, Grèce • 2018 • 40’
Royal Institute for Theatre, Cinema & Sound in Brussels : www.ritcs.be/en/ritcs-school-arts/